Des gens bien

Mêlant humour noir et atmosphère de thriller régional, Des gens bien nous plonge dans une histoire aussi absurde que drôle inspirée du meilleur des frères Coen

On y découvre un homme à l’air ahuri qui pousse une voiture dans un ravin avant d’y mettre le feu. Plus tard, à l’arrivée de la police, il feint un accident de voiture. Les gendarmes en charge ont tôt fait de classer l’affaire, à l’exception d’un gendarme paraissant très touché par l’affaire. Au fil des épisodes, les retournements de situation placent les protagonistes dans des situations de plus en plus impossibles, frôlant à chaque instant l’absurde. 

Bérangère MC NEESE (Linda) et Lucas MEISTER (Tom), « Des gens bien », épisode 3 de Matthieu Donck

En visionnant la première saison, disponible sur Arte, on ne peut s’empêcher de penser au premier film des frères Coen, Sang pour sang, mais aussi à Fargo où un mari tente de monter un faux enlèvement pour soutirer de l’argent à son beau-père qui tourne au désastre. La référence est perceptible mais n’est pas la seule. On sent également la présence de l’humour belge. Ce côté décapant et grinçant qu’on peut voir dans C’est arrivé près de chez vous où l’on rit de tout et surtout du plus tragique.

Mais l’humour de la série ne se résume pas à ces références récentes, car dans l’interprétation du rôle principal, à savoir Tom, il y a une physicalité plus rare dans le cinéma moderne. On pense plutôt à Buster Keaton en le voyant garder son expression ahurie quelque soit la situation. Ses yeux écarquillés semblent chercher de l’aide auprès du spectateur. Le fait qu’il subisse pendant toute la première saison, frappé, manquant d’être noyé, mais également devant rattraper toutes les conneries que provoque sa complice, on se prend de pitié pour lui. Le comédien Lucas Meister réussit avec brio à apporter cette touche de poésie burlesque.

De son côté, Bérangère Mc Neese qui n’en est pas à son premier essai puisqu’on l’a vu dans HPI : Haut Potentiel Intellectuel mais aussi dans Grave, incarne à la perfection une femme complètement délurée qui brasse tous les clichés en aborant des couleurs vives et parlant fort avec un accent. Ceci dit, la série casse très vite le cliché, pour donner à voir un personnage profondément malchanceux et gaffeur mais aussi, touchant dans l’insécurité qu’elle renvoie. 

Le reste du casting mêle des comédiens habitués aux films d’auteurs India Hair, des comédiens belges plus méconnus en France Peter van den Begin, mais également des comédiens célèbres comme François Damiens ou Dominique Pinon qui jouent beaucoup avec leur image. C’est un vrai plaisir de voir ce casting évoluer ensemble, d’autant que la grandeur des uns n’écrase pas les autres, au contraire, ils les mettent d’autant plus en lumière.

On sent également l’effort qui a été fait à l’écriture pour mettre en avant chaque personnage. Tous partent au départ avec une image clichée renforcée par la vision qu’en ont les autres personnages. En cela, on sent dès le début qu’on se trouve dans une petite ville de campagne où tout le monde croit connaître tout le monde. Mais en réalité, personne ne sait jamais vraiment ce qu’il se passe dans l’intimité chez son voisin. La série joue totalement là dessus avec une grande finesse. Les personnages sont pareils à des kaléidoscopes, ils ont plusieurs facettes que le spectateur est amené à découvrir au fil des épisodes.

Au-delà de la découverte des personnages, il y a aussi la gestion des retournements de situation. Ceux-ci s’enchaînent, frôlant souvent l’absurde. La série joue avec les codes du thriller où le sort semble s’acharner sur un personnage mais en tire de l’humour, noir et absurde, sans jamais oublier l’émotion. En effet, sous l’humour se cache souvent un drame réel pour les personnages. La série parvient à nous cueillir ainsi, en soufflant le chaud et le froid, pour le plus grand plaisir du spectateur.

Avec les six épisodes, Arte a également mis en ligne un bonus avec l’équipe de production qui permet de comprendre aussi l’écriture de la série. On y apprend que les auteurs ont choisi d’inverser les rôles féminins et masculins sans changer une ligne du texte. Ce qui donne des personnages d’autant plus forts et fascinants. Les clichés et stéréotypes sont par conséquent inversés, renversés. Ce qui achève de rendre la série des plus passionnantes.

Regarder la série sur arte.

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