House of the Dragon, 2022

172 ans avant la naissance de Daenerys, Westeros est gouverné par Viserys, un roi jugé faible par son frère cadet, manipulé par sa main avide de pouvoir, et surtout, se voyant menacé dans son héritage par l’absence d’enfant mâle. Le choix qu’il fera de nommer sa fille unique héritière des 7 couronnes va donner lieu à une suite d’évènements qui aboutira à la fameuse Danse des Dragons, la guerre civile qui entrainera la fin des dragons et la chute de la maison Targaryen.

La jeune Rhaenyra a un lourd héritage

Cette première saison menée par Condal et Miguel Sapochnik (le réalisateur de la Bataille des bâtards) a fait le choix de s’attarder sur les évènements qui seront à l’origine de cette guerre civile. Avec un budget plus léger que son aînée, The House of the Dragon a choisi de se concentrer uniquement sur la famille royale et son proche entourage. Pour autant, on retrouve l’univers ayant fait le succès de Game of Thrones, puisque la série est basée sur les romans de George R. Martin, De Feu et de Sang. À la musique, c’est toujours Ramin Djawadi. La production est toujours chez HBO, évidemment. De sorte qu’il y a toujours une qualité garantie pour les spectateurs.

Un pari risqué

La série a pris cependant le parti de changer son casting régulièrement, à mesure que les enfants grandissent. Ainsi, aux premiers épisodes, nous suivons Milly Alcock et Emily Carey en tant que la jeune Rhaenyra et son amie Alicent. Mais à mesure que le temps passe, leur succèdent alors Emma d’Arcy pour la version adulte de la princesse et Olivia Cooke pour la Lady Hightower. Le spectateur devra donc se montrer attentif et accepter ce changement de comédiens, d’autant plus que la même opération surviendra avec leurs propres enfants. À cela, il convient d’ajouter une autre difficulté : les enfants portent des noms assez similaires… notamment le nom d’Aegon, porté par le conquérant, mais pas que… Un pari d’autant plus risqué que la série est un spin-off.

Le roi Viserys usé par le pouvoir

Il est toujours risqué de prendre la suite d’une série qui a suscité autant de passion chez le public. Le cinéma l’a démontré si souvent, les suites et plus encore les préquelles sont souvent des essais peu heureux de retrouver le succès de l’original. Au mieux on hérite d’une œuvre branlante, mais ayant le mérite d’essayer quelque chose, au pire, d’une copie pâle, voire honteuse, parfois même d’une coquille vide. Dans les séries télé, les spin-off n’ont guère connu plus de succès. Torchwood, Angel, et Fear n’ont pas vraiment réussi à briller, peinant à trouver leur empreinte, souffrant bien souvent d’un budget trop léger. Quant aux NCIS et Experts c’était plutôt une franchise s’exportant, rien de comparable. En réalité, le premier Spin-off ayant vraiment réussi à se démarquer voire à faire mieux que son aînée c’est Better Call Saul qui prouve qu’il est possible de suivre cette voie.

Un véritable château de carte prêt à s’embraser

Après visionnage de la première saison, un consensus s’est établi autour des fans qui se sont jetés, moi la première, sur chaque épisode au lendemain de sa sortie sur OCS, pour ensuite en discuter sur discord ou dans les commentaires des youtubeurs tels que le Captain Popcorn, Mestre Thibault et autres aficionados, que cette nouvelle série issue de l’univers de George R. Martin s’éloignait de son aînée pour tracer une nouvelle route. Tant dans sa réalisation, délaissant les grands décors naturels pour des décors construits en studios enfermant les personnages dans d’austères pièces de pierre noire volcanique, que dans sa narration se concentrant sur un nombre plus réduit de personnages, une seule et même famille. Là où Game of Thrones prenait le parti de suivre plusieurs maisons et contrées très différentes, faisant voyager le spectateur, exigeant de lui qu’il retienne blason, nom et visages très distincts, House of the Dragon demande à son spectateur d’écouter chaque parole, de suivre chaque regard, pour saisir toutes les subtilités des relations familiales vouées à voler en éclat. Le grand spectacle laisse donc place à de la subtilité.

Le prince garnement

Et justement, c’est ce qui nous avait manqué durant les dernières saisons de Game of Thrones, raison principale du parfum de frustration que la série nous avait laissée en bouche. Ayant bien retenu la leçon, les créateurs de House of the Dragon s’échinent à poser pierre par pierre les bases de la Danse des Dragons que l’auteur a décrite dans Feu et Sang. Ces chroniques des temps passés de Westeros donnaient des visions différentes puisqu’émanant de différents témoins, chroniqueurs, mestres. Si bien que les scénaristes se voient contraints d’expérimenter sur un terrain de jeu plus vaste, ils peuvent choisir de suivre ce qui a été reporté dans ces chroniques ou d’écrire une histoire plus subtile. Et, forte heureusement, ils ont choisi la seconde option. La tragédie s’écrit sous les yeux d’un spectateur seul témoin des doutes et des fissures des personnages qui, pour ne pas être détruits, sont obligés de garder un masque, paraître féroce, ferme, insensible. C’est tout cela que la série nous montre, donnant une intensité émotionnelle à sa tragédie d’autant plus forte.

Une tragédie familiale sur fond de guerre civile

L’autre talent de House of the Dragon est de parler tout autant de la fracture d’une famille que celle d’un pays, la politique n’est que le reflet des relations familiales, mais l’inverse est également vraie. Les dissensions chez les adultes viennent bien évidemment de leurs ambitions, mais aucun personnage adulte n’est réduit à cela. Ils sont aussi parents, enfants. Et leurs choix sont tout autant motivé par le besoin de protéger leurs enfants. Ces derniers sont soumis plutôt à leurs émotionset à leur fierté souvent mal placée. Mais lorsqu’on a un dragon pour animal de compagnie, toute dispute familiale prend irrémédiablement des proportions immenses et forcément tragiques, y compris pour le pays. C’est là toute la force de la série. Parler autant de l’intime que de la politique.

Deux amies amenées à être déchirées.

Toutes ces qualités dont ce travail d’écriture ne seraient rien sans l’immense talent des comédiens. Les plus jeunes comme les plus âgés nous permettent d’éprouver les émotions de chacun, de mieux comprendre les décisions comme les actes, de donner à cette tragédie les couches qu’elle nécessite pour qu’en saisisse toute la subtilité. Que ce soit Paddy Considine dont le visage usé reflète ses difficultés à maintenir la paix dans sa famille comme en son royaume ou une Emma d’Arcy incarnant toute la résilience féminine ou encore le cabotin Matt Smith nous donnant à voir le prince garnement le plus flamboyant qu’il soit. Et leur talent n’est que sublimé par une mise en scène intimiste suivant leurs regards comme leur geste, choisissant des éclairages naturels comme lors d’un épisode éclairé uniquement à la bougie, renforçant l’impression d’enfermement que donnent les décors.

La série de l’année ?

À cela, il convient d’ajouter que la série n’a pas fait que corriger le manque de subtilité de son aînée, elle a également équilibré les scènes chocs préférant distiller les affrontements et éviter à son spectateur d’avoir à attendre l’avant-dernier épisode pour être rassasié. Chaque épisode recèle son propre climax, sa propre scène choc, révélation ou twist renversant. Les personnages abominables ne sont pas en reste, mais leurs méfaits sont gardés en hors champs, laissant l’imagination du spectateur faire le travail. Ainsi, contrairement à Game of Thrones qui multipliait les images chocs parfois gratuites, House of the Dragon préfère se concentrer sur les enjeux et surtout les conséquences d’actes et de décisions de chacun. Plus encore, la série se veut plus féministe, laissant la part belle aux femmes qui ne sont plus ici victimes de la violence des hommes bien qu’elles restent prisonnières du patriarcat. On peut saluer d’ailleurs l’effort fait, les viols ne sont plus filmés frontalement, c’est leurs conséquences qui le sont. En revanche, les scènes d’accouchement sont filmées dans toute leur gravité, offrant au public d’autres images puissantes, montrant qu’il est possible d’avoir la même intensité dramatique en filmant autrement, en racontant autrement une histoire épique. C’est d’autant plus appréciable.

Rhaenyra adulte, prête à se battre pour sa famille.

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