Identification et la représentation dans la fiction

De plus en plus, on parle de représentation dans les œuvres de fiction. Et j’entends souvent l’identification au personnage principal lui être opposé. Pourtant, à bien des égards, l’un et l’autre sont loin d’être contradictoire mais, ont différentes significations et ne peuvent s’annuler l’un l’autre. Mais avant toute chose, qu’est-ce que l’identification ?

Le principe d’identification au personnage principal ou aux personnages en général des histoires qu’on nous raconte, que ce soit en littérature, cinéma ou série, est un principe primordial dans la fiction dont chaque auteur doit avoir conscience. C’est un principe généralement appris dans les premiers semestres d’un cours de scénario. Car sans lui le spectateur ou lecteur observera le récit avec détachement et ne vivra pas les émotions qu’on souhaite lui transmettre !

S’identifier au personnage principal est primordial, c’est par ce principe que le spectateur ou lecteur entre en empathie avec le protagoniste et qu’il pourra éprouver de la peur pour lui s’il est en danger, de la joie s’il rencontre l’amour ou expérimente des choses positives, et même, aura le sentiment de vivre ces aventures indirectement à travers lui. C’est donc indispensable dirons-nous.

Magdalina Dianova



Mais est-il pour autant nécessaire pour qu’il se fasse que le personnage principal ressemble au public auquel l’oeuvre est destinée ? Et bien non ! En réalité, pour que le principe d’identification fonctionne il est bien mieux d’en passer à travers des épreuves universelles comme le deuil, l’amour, que chacun peut être amené à vivre plutôt que par des points communs tel que l’âge, la couleur de peau, la religion ou que sais-je. D’une part, si on s’appuie sur ces points basiques, l’auteur devra faire preuve d’un grand travail de recherche pour être le plus crédible possible, car le spectateur sera d’autant plus apte à juger le moindre défaut puisqu’on est proche de ce qu’il peut être et vivre. D’autre part, on réduit ainsi son public, ce qui est dommage et aux antipodes finalement de ce pourquoi la fiction est faite : à savoir rassembler plutôt que séparer.

Alors comment faire pour permettre à son public de s’identifier au protagoniste ? Il faut le faire passer par des épreuves qui peuvent faire écho à des choses que tout le monde connait: être amoureux, avoir peur, être en colère, frustré, jaloux. Vous l’aurez compris, il faut en passer par les émotions ! Faire ressentir des émotions au spectateur à travers son personnage principal. C’est ainsi d’ailleurs, que se tissent les relations les plus fortes dans la vie, en vivant ensemble des épreuves fortes, en ayant des émotions fortes. Les plus grands auteurs réussiront même à vous faire ressentir de l’empathie pour des animaux, des robots ou même des objets ! Je pense à Steven Spielberg mais pas que !

Wall-e de Pixar

Mais alors, si on peut s’identifier à n’importe qui et n’importe quoi, pourquoi la représentation serait-elle utile ? Et bien justement, si tous les personnages se ressemblent, sont tous blancs, issus de la classe moyenne, cis-genre, hétérosexuels, les oeuvres s’apauvrirons ! Parce que si le principe d’identification peut fonctionner avec tout le monde, il est tout de même largement plus intéressant de vivre des choses différentes de sa vie à travers la fiction, ça l’est plus encore de découvrir des cultures différentes, des pays différents, des langues différentes. N’est-ce pas d’autant plus fort, de réaliser qu’on peut éprouver les mêmes émotions qu’une personne vivant à l’autre bout du monde, dans des conditions de vie très différentes des notres ?

La fiction à mon sens a le pouvoir de nous faire voyager et surtout, de nous faire comprendre l’autre dans toute son altérité. Certes, un documentaire peut aussi le permettre mais il ne repose pas sur le principe fondamental de l’identification. On peut éprouver de l’empathie pour les personnages montrés dans un documentaire mais nous ne vivions pas à travers ses yeux, n’éprouvons pas ses émotions, le temps du documentaire. A l’inverse, le temps d’un livre, d’un film ou d’une série, nous sommes dans la peau de quelqu’un d’autre. C’est un outil formidable pour faire humanité. Dans le sens où nos différences ne nous éloignent pas forcément, que nous sommes semblables dans les émotions que nous éprouvons, dans l’empathie qu’on peut ressentir, sans avoir besoin de lisser nos différences !

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